O FREVO !




Un orchestre de cuivres et de percussions joue frénétiquement dans la rue, au milieu d'une foule enjouée, sous un soleil de plomb. Non, nous ne sommes pas dans le sud-ouest de la France mais dans la région de Pernambouco, située dans le "Nordeste" brésilien. Si la musique typique du carnaval de Recife ne vous dépayse pas aux premiers abords, patientez quelques instants pour entendre les rythmes tropicaux des caisses claires et jetez un coup d'oeil du côté des danseurs ...

La danse "frevo", née de la fusion entre la capoeira et les orchestres de frevo à la fin du XIXéme siécle, mérite d'être vue, revue, et surtout admirée. Dérivé du mot "ferver" en portugais,"Bouillir", on danse le frevo comme si le "sol nous brûlait les pieds". Bien loin de nos majorettes nationales, ces danseurs enchaînent acrobaties et pas de danse très techniques nécessitant une forme olympique, le tout sur un rythme effrainé. Une vrai performance.

On ne peut parler de frevo sans évoquer la "sombrinha" aux couleurs traditionnelles dont se servent les danseurs. Ce petit parasol est l'héritage des années trente, lorsque la capoeira était interdite, car jugée trop violente, les capoeiristes, persécutés, s'en servaient alors, comme arme de défense ou d'attaque. Aujourd'hui, d'un usage purement pacifique, la "sombrinha", plus petite est devenue le symbole du frevo, cette danse définitivement fraîche et pétillante.

Paulo Fernando, vrai prodige du frevo...



Le frevo en tant que genre musical a beaucoup évolué depuis ses débuts, à la base seulement instrumental et fait pour exprimer l'allégresse du carnaval, il connait aujourd'hui diverse forme:  frevo de rua, frevo cançao, frevo de bloco...

Le lancement du label "Rozenbit" fit les beaux jours du frevo dans les années 50 avec la diffusion à la radio de la musique de Capiba, Nelson Ferreira, et surtout du chanteur Claudionor Germano, icône du de la musique de Pernambouco. Aujourd'hui, le groupe incontournable de frevo, est incontestablement "Spokfrevo Orquestra", les maitres du genre, qui enflamment les festivals de jazz du monde entier et suscitent l'admiration des plus grands. Ce groupe né à Recife en 2003 n'a pas fini de surprendre ses très nombreux fan et d'en séduire de nouveaux car il n'est pas difficile de se laisser emporter par son énergie contagieuse, typiquement brésilienne. "Personne ne peut jouer après le SpokFrevo" prétend un musicien de Wynton Marsalis" ou alors il faut surenchérir dans le même registre. Et ça, personne ne peut le faire non plus."


"Vassourinhas", tube du frevo, par Spok Frevo Orquestra"


Par C.Pestana

Etats Généraux du Jazz en France

Cet été, artistes, programmateurs, critiques, spécialistes en tout genre et autres amateurs passionnés de jazz avaient tiré un coup de semonce au près du Ministère de la Culture. Ensemble, ils réclamaient, au travers d'une pétition dont nous nous fîmes l'écho, la tenue d'Etats Généraux du Jazz en France afin de permettre à tous les acteurs de la filière, de "redéfinir les politiques à mettre en place pour assurer la survie d'un secteur musical qui fait partie intégrante de notre paysage culturel mais qui risque fort de s'appauvrir jusqu'à disparaître si rien n'est fait en sa faveur". Avec un bon sens certain, Frédéric Mitterrand n'aura pas fait la sourde oreille. Après avoir rencontré les pianistes Pierre de Bethmann et Laurent Coq, ainsi que le journaliste et spécialiste du jazz Alex Dutilh, le ministre de la Culture annonça la mise en oeuvre d'un groupe de travail sur la situation du jazz en France, piloté par la direction générale de la création artistique du ministère. De son côté, la Sacem, qui gère les droits des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, c'est engagée à mettre en place un nouveau statut en faveur des improvisateurs de jazz.

" Caldeirao verde" . . . Archipel de Madère




"Le chaudron vert". . . par C. Pestana

Rebondissement au CIM

Ubuesque. Nous vous en parlions la semaine dernière, la célèbre école le CIM avait jusqu’au 13 octobre 2011 au matin pour rendre les clefs de ses locaux situés, depuis 33 ans, au 83bis rue Doudeauville. C'est désormais chose faite. Les 50 professeurs et 200 élèves du CIM ont plié bagages, la larme à l'oeil sans doute. Ils n'ont pourtant eu qu'à franchir le couloir afin d'atterrir au 83 rue Doudeauville. Établissement voisin du 83bis, ce dernier appartient au Cedec - centre d'expression, de développement et d'épanouissement culturel. Ainsi dans son malheur le CIM aura eu la chance d'avoir pour directeur Michel Valera, également responsable  du Cedec. Réjouissons nous, quelques secondes seulement ! Ombre au tableau, sans compter le fait que le Cedec ne bénéficie pas des infrastructures nécessaires à l'arrivée d'une école de grande renommée, l'établissement voisin est lui aussi menacé d'expulsion, d'ici 4 à 5 ans. Un nouveau vœu, voté à l’unanimité lors du dernier conseil d’arrondissement du 18e, doit être soumis au conseil de Paris, qui s’ouvre le lundi 17 octobre 2011. En attendant, nos artistes en herbes pourront, par le coin d'une porte entrouverte, admirer les salles vides et inoccupés de leur ancienne école vaillamment gardées par de farouches vigiles.

Ornette Coleman


ORNETTE COLEMAN 
« Let's play the music, not the background » 

Provocateur timide, objet de toutes les polémiques et moqueries. Instrumentiste talentueux pour les uns, charlatan pour les autres. Ornette Coleman est avant tout un profond admirateur du  saxophoniste Charlie Parker dont il a voulu dynamiter le style. Compositeur de génie, son influence a ouvert grand les portes du jazz. Une musique qui désormais ne connaît plus aucunes frontières.

L'histoire débute entre le Texas et la Californie. Jeune homme, Ornette Coleman travaille comme liftier dans un luxueux hôtel de Los Angeles et étudie la musique en autodidacte. Ses premières publications discographiques, Something else ! The Music Of Ornette Coleman en 1958 & Tomorrow is the question en 1959, se heurtent à de vives critiques de la part de ses pairs qui tentent de justifier le "brouhaha" s'échappant de ces disques par un cruel manque de technique instrumentale. Petit florilège de ces douces amabilités : "Une bonne dactylo en ferait autant avec un saxophonesigné par le trompettiste Benny Bailey ou encore "C'est une honte d'avoir à parler d'Ornette Coleman... Un fou totalement dépourvu de génie" dixit le saxophoniste Guy Lafitte. Habilement, le fou en question réplique par la provocation et adopte un saxophone alto en plastique. Jouer jusqu'au bout.

Non content de rompre, en apparence  seulement, avec les années Be-Bop, le trublion choque les biens pensants et autres bigots du Jazz, Hugues Panassié célèbre critique et producteur en tête, avec The Shape of Jazz To Come et This is our music. Le concert Free Jazz A collective Improvisation de 1960 réuni deux quartets improvisant simultanément ! Aux manettes les frémissants : Don Cherry, Scott LaFaro, Billy Higgins, Eric Dolphy, Freddie Hubbard, Charlie Haden, Ed Blackwell. De nombreux étudiants se rendent au concert pensant que celui ci est gratuit (Free Music). On est un peu naïf a vingt ans. Derrière le principe, deux quartets jouent chacun sur un canal stéréo différent, la révolution est immense. Les musiciens entrent en totale communion. Les indications sont approximatives, parfois inexistantes. L'imagination et la sensibilité s'émancipent.

Free Jazz A Collective Improvisation sonne comme un véritable manifeste sans que son auteur puisse en mesurer l'ampleur. Le mouvement Free Jazz est lancé. Il fait l'effet d'une bombe dans l’Amérique revendicatrice des sixties ! Quelque part entre Martin Luther King et Malcom X, Ornette se voit propulsé chef de file d'une avant garde musicale prête à en découdre. Le théoricien de la musique libre ne pouvait rêver meilleure scène. L'année 1966, le New York Times couronne Ornette Coleman "Jazzman of the year". Quelques années après, il développe le concept de l'harmolodie ( toutes tentatives d'ouvrir un dictionnaire lambda seraient vaines ) en associant l'harmonique, la rythmique et la mélodie sur un même pied d'égalité. Écoutez Skies of America avec le London Symphony Orchestra.  Le saxophoniste est décidé à aller encore plus loin. 


Fort de ses pérégrinations africaines, Ornette coleman prend conscience du rôle majeur de la dimension physique dans l'expérience musicale. Il fonde le groupe Prime Time et rassemble autour de lui une paire de guitaristes, une de bassistes et une de percussionnistes. En 1984 il est récompensé en qualité de Jazz Master par le très prestigieux National Endowment for the Arts ( la plus haute récompense de la nation américaine). Toujours prolifique, le maître plonge la tête la première dans la musique funk avant d'explorer les profondeurs du blues agrémentées des nouvelles influences rap, hip-hop et électronique avec notamment Song X en 1986. Raillé par toute une profession,  longtemps boudé du public, Ornette Coleman aura tenu bon et gravi une à une les marches de la reconnaissance et du succès. En 2010, le dynamiteur paisible âgé de quatre-vingts ans, témoin  du paradoxe irrésolu de son oeuvre et de sa vie, a reçu un doctorat honorifique de l'université du Michigan des mains du président Barack Obama. Mission accomplie Ornette ?

Découvrir : Ornette Coleman le Site Officiel
Ecouter : Deezer Discographie de Ornette Coleman
Lire : Free Jazz-Black Power de Philippe Carles et Jean Louis Commoli

Par M.Beaufrère

Ivete e Gilberto !


Ivete Sangalo & Gilberto Gil
Deux monstres de la musique populaire brésilienne réunis:
une bouffée de chaleur et de joie de vivre !


Danger d'expulsion pour le CIM

Urgence. Installé rue Doudeauville dans le 18ème arrondissement de Paris, le CIM, première école de jazz créée en France, forme les jazzmen de demain depuis 1976. Aujourd'hui menacé par un projet immobilier, la prestigieuse structure musicale est sommée de fermer boutique et de plier bagage saxophones et batteries sous le bras. 50 personnes risquent de perdre leur emploi. 200 élèves vont se retrouver à la porte. Explication de texte : en 2004, la Régie immobilière de la Ville de Paris, avec la Caisse des dépôts, a racheté l'îlot dans lequel sont situés les locaux de l'école. Depuis, une procédure d'éviction a été engagée et vient de s'achever, fixant l’indemnité à 240 000 €. De l'argent donc, mais toujours pas de lieu pour poursuivre l'enseignement. A partir d'octobre, le CIM devra verser 2400€ par jour d'occupation. Bertrand Delanoë et la Mairie de Paris se sont engagés à redonner des locaux à cette institution historique sans qu'une solution soit actée. Matthieu Chedid, Angélique Kidjo ou encore Youn Sun Nah sont passés par le CIM. 

A "diva descalça"



A 70 ans, Cesaria Evora met fin à sa carrière :"En fait, j'arrête tout. Je n'ai pas de force, pas d'énergie. Je veux que vous disiez à mes fans : excusez-moi, mais maintenant, je dois me reposer", regrettait-elle, il y a quelques semaines, face à Véronique Mortaigne, journaliste au Monde.


La chanteuse cap-verdienne qui, depuis le début de sa carrière internationale en 1991, porte fièrement les couleurs de son pays, était à Paris le 30 avril 2011. Les chanceux présents au Grand Rex (dont j'ai eu le bonheur de faire partie) avaient eu la surprise de voir l'excellent Bonga, roi de la musique angolaise, entrer sur scène pour interpréter, au côté de Cesaria, "sodade", La chanson mythique. Deux géants de la musique du monde réunis pour un duo "lusafricain" qui nous rappellent que la musique, c'est aussi, et surtout, des frissons...


"Ceux qui sont partis à l'extérieur, ils l'ont fait pour tenter de trouver les moyens de mieux vivre. Mais ils gardent toujours la nostalgie de leur île. Lorsque je les rencontre au cours de mes tournées, ils me parlent sans arrêt du Cap-Vert". Voilà ce qui illustre la célébrissime chanson "sodade" de Cesaria Evora, un vrai "tube" de la musique world dont on ne se lasse pas, jamais. Parce que dés les premières notes, elle nous enveloppe d'une douce nostalgie (sodade) exotique, elle mérite d'être écoutée et réécoutée. Fermons les yeux...nous y sommes. 


Par C.Pestana

Dictionnaire du Jazz 2011


Le nouveau Dictionnaire du Jazz verra le jour le 3 novembre prochain. Philippe Carles, Jean-Louis Comolli (auteurs de Free jazz, Blacks power, éd. Folio, Gallimard 2000) et André Clergeat seront à la tête de cet incroyable puits de connaissances. L'ouvrage regroupera 2800 contributions provenant des meilleurs spécialistes français et internationaux. Le jazz entier passera sous leurs plumes aguerries. Rien ne devrait échapper à la cohorte de jazzmen.